Résultats du projet REJEMCELEC (2015 – 2018)

Débuté en novembre 2015, le projet REJEMCELEC portant sur l’amélioration de la sélectivité des chaluts de fond en Manche Ouest et Mer Celtique s’est terminé le 31 mars 2018. A cette occasion, l’OP COBRENORD souhaite remercier tous les financeurs et parties prenantes à ce projet : France Filière Pêche, la Région Bretagne, la Région Normandie, l’Ifremer, l’Organisation des Pêcheurs Normands (OPN), les navires volontaires, Oceanic Développement, Naberan, Le Drezen et tant d’autres. Leurs contributions ont permis des échanges constructifs entre les structures professionnelles et scientifiques et l’aboutissement d’un travail de qualité.   Durant le projet, 182 jours de mer ont été effectués afin de tester plusieurs dispositifs sélectifs conçus et réalisés en partenariat entre les patrons de l’OP COBRENORD et de l’OPN, l’Ifremer et les fournisseurs de chalut des navires volontaires.

Arrière du navire avec les chaluts sélectif et standard testés alternativement (© Cobrenord)

 

 

Les flottilles ciblées par le projet travaillent au chalut de fond simple. Le protocole de test s’est déroulé en traits alternés (alternance du chalut séléctif puis du chalut standard ou vice-versa).

 

 

 

Observateurs procédant à un échantillonnage des captures (© Cobrenord)

 

 

 

 

 

Un  observateur a procédé à un échantillonnage des captures sur chaque trait expérimental afin de pouvoir comparer statistiquement les différences entre les deux engins.

 

 

 

Durant le projet, cinq cas d’étude ont été définis pour une période et une zone de pêche données. Pour chaque cas, les éléments suivants ont été considérés :

  • Un ensemble de captures indésirées ;
  • Un ensemble de captures ciblées ;
  • Un dispositif sélectif permettant d’éliminer au maximum les captures indésirées tout en conservant les captures ciblées.

 

Un dispositif de caméra était fixé sur les chaluts pour filmer leur comportement pendant les actions de pêche

Poissons dans le parc de tri après la remontée du chalut

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les résultats finaux pour chaque cas d’étude peuvent être consultés via les fiches synthétiques REJEMCELEC en français et en anglais.

 

De manière synthétique, plusieurs observations et conclusions peuvent être émises :

  • Deux cas d’étude ont permis de tester des Panneaux à Mailles Carrées (PMC) (80 mm et 90 mm jauge) dans le gorget du chalut pour des navires ciblant principalement le merlan et les céphalopodes en Manche Ouest à l’aide d’un maillage en 80 mm. Les sources de rejets les plus importantes à éliminer étaient les merlans sous-tailles et les petits pélagiques (maquereaux, chinchards). Les résultats montrent un échappement des sous-tailles de merlan et d’une partie des maquereaux mais de manière modérée. Aucune perte commerciale n’est observée. Il semble que l’ouverture verticale importante dans le gorget limite la capacité du poisson à atteindre le dispositif sélectif.

 

PMC en 90 mm dans le gorget de plusieurs couleurs (© Ifremer)

Échappement d’un merlan de la partie noire du PMC (© Ifremer)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme le montre les photos ci-dessus, des tests portant sur la couleur des filets ont également été réalisés au cours du projet. L’objectif était de déterminer si la couleur pouvait avoir une influence sur l’échappement des poissons et d’évaluer la faisabilité d’un comptage automatisé des échappements de poissons par le développement d’un logiciel de traitement d’images. Deux méthodes de comptage d’échappement des poissons à partir d’images vidéos issues des systèmes VECOC (Vidéo Embarquée de Contrôle et d’Observation des Chaluts) ont été utilisées pour comparer l’échappement entre les parties noires et blanches des filets. Ainsi des comptages ont été réalisés d’une part par des humains et d’autre part par un logiciel d’analyse d’images développé par l’Ifremer. Les deux méthodes procurent des résultats globaux similaires (le pourcentage d’échappements évalué par le logiciel était égal à plus ou moins 5 points des pourcentages trouvés par les observateurs). En revanche, des différences entre les observateurs et le logiciel persistent selon les séquences analysées. Les analyses effectuées ont permis d’identifier un effet de la couleur sur l’échappement des poissons, avec un échappement significativement plus important par le panneau blanc. Il est difficile à ce stade d’expliquer cette différence et des expérimentations complémentaires seraient nécessaires. Une hypothèse possible consisterait à supposer que les mailles  présentant un contraste plus faible par rapport à l’environnement ambiant du chalut soient plus efficaces du point de vue de la sélectivité.

  • Deux autres cas d’étude ont étudié le métier ciblant le merlan et les céphalopodes en Manche Ouest. Cependant, deux nouveaux dispositifs sélectifs prolongeant la surface sélective vers la rallonge ont été testés. Le premier dispositif était composé de deux PMC de 80 mm placés dans la fin du gorget et le début de la rallonge. L’ouverture verticale limitée a permis un bon échappement du merlan et des petits pélagiques mais des pertes commerciales ont été constatées sur le merlan de calibre 30. 

 

Montage du dispositif sélectif : panneau en T90 (© Cobrenord)

 

 

Suite à ces résultats, il a été décidé de tester un deuxième dispositif permettant d’ajuster légèrement la taille de la maille en passant à un double panneau quasi-identique en T90 80 mm (le T90 étant supposé légèrement moins sélectif que la maille carrée à maillage égal). Les résultats ont été très concluants avec un échappement des merlans sous-tailles et de calibre 40 (peu valorisés), ainsi que des maquereaux et chinchards de petite taille. En parallèle, aucune perte d’espèces et de tailles ciblées n’a été constatée.

 

 

 

 

  • Un dernier cas d’étude a étudié le métier particulier du chalut de fond ciblant le Saint-Pierre, le merlu et l’églefin en Mer Celtique (alentours des îles Scilly) au printemps/été. Les principaux rejets de ce métier sont l’églefin par manque de quota, le chinchard et le sanglier. Dans cette zone, les navires utilisent déjà un PMC en 120 mm règlementaire placé à neuf mètres du raban de cul du chalut. Or, les patrons pêcheurs de l’OP COBRENORD constatent qu’il reste toujours des petits gadidés dans le parc de tri malgré l’usage du PMC, alors que les captures commercialisables en merlu et en églefin diminuent largement.

 

Échappement de chinchards et sangliers par le PMC 120mm réglementaire

 

La problématique de ce cas d’étude consistait donc à trouver un dispositif alternatif au PMC 120 mm permettant d’éliminer davantage les captures sous-tailles ou très peu valorisées d’églefin et de merlu, tout en conservant les tailles commercialisables. Le sanglier devait également être évité en intégralité.

 

 

 

Les améliorations apportées au dispositif sélectif réglementaire sont composées de deux éléments :

  • L’augmentation de la surface du dispositif afin d’améliorer la probabilité de contact du poisson avec la surface sélective ;
  • L’ajustement de la taille et la forme de la maille sélective de manière à fixer de manière la plus fine possible la sélection des poissons en fonction de la taille ciblée.

Les bons résultats du T90 en 100 mm sur les gadidés et le sanglier durant le projet CELSELEC (Les pêcheurs de Bretagne) ont poussé à adopter cette forme et cette taille de maille. Des tests ont également été réalisés à terre en passant du poisson dans différentes formes et tailles de maille afin de déterminer au mieux le maillage adapté. Suite à ce processus, le dispositif adopté est un grand panneau en T90 100 mm allant du début de la rallonge jusqu’à 4 mètres du raban de cul.

Échappement par la rallonge (en jaune) … (© Cobrenord)

… et par le cul (au fond en vert)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les résultats sont très intéressants car les captures d’églefin et de merlu sous-tailles (et calibre 50 pour le merlu) ont nettement diminué dans le chalut avec le T90 100 mm. Inversement, les captures commercialisables de merlu et d’églefin (calibres 30-20) ont augmenté.   Par ailleurs, des travaux exploratoires et préliminaires ont été menés par l’OP COBRENORD afin d’évaluer l’impact de l’éventuel usage à l’échelle européenne des dispositifs testés dans le cadre du projet REJEMCELEC. L’analyse a été menée pour les stocks de merlan et d’églefin en Manche et Mer Celtique. Ces travaux permettent de dégager certaines pistes de réflexions mais ne sont pas suffisamment aboutis pour tirer des conclusions. Indépendamment du recrutement, il semble que l’amélioration de la sélectivité pour ces stocks permette d’augmenter les rendements sur le moyen terme (3-5 ans). Cependant, la forte mortalité naturelle estimée par le CIEM pour le merlan (et dans une moindre mesure pour l’églefin) limite les bénéfices de la sélectivité. En effet, les petits poissons épargnés semblent avoir de fortes chances de mourir naturellement avant de pouvoir grandir et alimenter le stock exploitable, et ce malgré la forte croissance durant les jeunes âges.   Pour davantage de détails sur la méthodologie employée et les résultats finaux, un rapport d’étude sera disponible courant mai 2018 et téléchargeable sur le site de l’OP COBRENORD.